Une belle découverte musicale, pour moi, cette semaine : Marylène et les Heureux perdus, un sextuor énergique, qui déplace de l'air... et qui est constitué de vrais musiciens.
Marylène et les Heureux perdus, c'est du rock, du country, du ska, du néo-trad du bout des doigts, parfois même du bluegrass; c'est deux guitares, une batterie, des percussions, du piano, de l'accordéon, du banjo, de la mandoline, du lap steel, et même des clochettes!; c'est du chant gracieux, mélodique, doux, autant que des envolées fortement aiguës et contrôlées qui n'ont rien à envier aux hymnes tentateurs des Sirènes; ce sont des harmonies mais surtout des chansons à "hook", c'est-à-dire qui sont inoculées de cette mélodie qui vous reste en tête, et surtout qui sont drôlement bien construites.
En tête, Marylène Hains, que j'ai la chance de connaître un peu, puisque nous enseignons au même collège. Ses textes laissent d'ailleurs transparaître avec évidence la vocation de professeure de philosophie de la chanteuse. Non mais il fallait être au Cercle, à Québec, vendredi soir, pour être témoin de rien de moins qu'une acclamation de Nietzsche dans un show rock (je vous dirais bien qu'il a été ovationné, mais tout le monde était déjà debout...). Faut le faire quand même - tiens, voilà un défi pour J.O.E. Daking et autres spécimens avariés issus de la production en série à la Quebecor. Dans la salle, des étudiants surtout (dont plusieurs connaissent les paroles des chansons!) et, ah oui, ce trio de beaux-frères, sans doute, venus se rendre compte au bar que le Cercle ne sert pas de Molson Ex. À retenir : Marylène et les Heureux perdus, ce n'est pas pour les vrais Serge.
Il faut reconnaître le caractère résolument engagé de Marylène, gauchiste notoire qui profite d'un segment instrumental pour distribuer des tracts dans la foule, elle qui remet une partie des revenus de la soirée au Plan Nagua et qui annonce, en début de spectacle, que circulera parmi les convives une pétition visant à faire libérer un prisonnier de Guantanamo. Bref, on est loin des "tchin-tchin" d'Éric Lapointe et des sacres de Plume entre les tounes.
Il y a un peu de Dumas dans la musique des Heureux perdus, du Lynda Lemay, peut-être, dans les mélodies vocales (moins les odes ridicules aux souliers, aux bobettes et autres pièces d'équipement du quotidien), parfois des rappels des Cowboys Fringants (sauf qu'à la tête des Heureux perdus, on a quelqu'un qui sait chanter). J'ose même reconnaître des relents de Muse ou du rock britannique contemporain, par moments.
Le show des Heureux perdus est une invitation au voyage, gracieuseté des présentations philosophiques, presque oniriques que fait Marylène de chacune des pièces - entrecoupées par la folie manifeste (et rafraîchissante) de son frère, Jasmin, à la guitare rythmique - un hyperactif à ne pas faire jouer en première partie d'Isabelle Boulay - le mélange Jasmin Hains et Prozac préalables aux shows de la rouquine neurasthénique pourrait entraîner une surdose faisant surchauffer l'organisme...
Une mention toute spéciale aux autres musiciens, qui laissent en apparence toute la place aux Hains : le bassiste (qui pourrait fort bien être professeur d'éducation physique) est solide, le batteur, fiable, et le percussionniste, inventif. Mention toute spéciale au guitariste soliste, Éric Blanchard, une espèce de Harry Potter qui a défroqué de Poudlar pour fuguer à Woodstock. Le guitariste que je suis depuis un quart de siècle sait reconnaître quelqu'un qui a du talent... et je ne parle pas de Wilfred LeBouthillier. Blanchard manie aussi bien le banjo que la mandoline, le lap steel ou la Stratocaster. Ses soli sont inspirés, pas clichés, malgré la simplicité des suites d'accords de certaines pièces. On suppose que Blanchard a décidé très jeune de troquer le Nintendo pour la Strato.
Voilà un groupe qui offre un matériel net, professionnel, et qui m'a donné le goût d'acheter l'album qui sortira prochainement - parce que lorsqu'on est aussi droit, aussi réglé au quart de tour en spectacle, on ne peut que faire un travail efficace en studio. L'amateur de rock que je suis espère que le son soit aussi électrique, aussi rock, justement, sur l'album - le transfert du direct au studio entraîne parfois quelques trahisons (la dernière fois que j'en ai été témoin, c'est quand j'ai écouté l'album de Blue October après les avoir vus au Festival d'été, en 2006). Je suis prêt à encourager volontiers la musique québécoise, lorsqu'elle a quelque chose de différent à m'offrir et lorsqu'elle sonne bien.
Espérons que le disque soit porteur au moins d'un tantinet de l'âme qui hantait chaque pièce, vendredi soir. Il faut dire que Marylène était particulièrement inspirée, elle qui s'est permis de danser, de sauter partout, nus pieds... malgré le fait qu'elle soit enceinte jusqu'aux yeux! Ça aussi, il faut le faire. (Il y en a qui ont laissé en plan des dizaines de milliers de spectateurs au Stade olympique, en 1992, pour des raisons plus douteuses...)
Vous aurez compris que je ne saurais trop recommander un groupe aussi rafraîchissant et étonnamment prêt pour la notoriété. Dans un Québec qui, le plus souvent, mesure la valeur de ses artistes à la qualité de leurs textes, trop souvent au détriment de la musique (pourquoi sinon aurait-on autant célébré l'album Aux portes du matin de Richard Séguin, alors que la plupart des pièces qu'on y trouve reprennent les accords de do, de ré et de sol dans l'ordre et dans le désordre?), il faut saluer le travail binaire de la bande à Marylène : ils sont la preuve que travailler les textes ne devrait pas exonérer qui que ce soit de s'attarder à la qualité de la musique.
Les Heureux perdus ne sont pas si perdus que ça, et on se doute bien qu'ils savent exactement où ils s'en vont.
SL
Marylène et les Heureux perdus, c'est du rock, du country, du ska, du néo-trad du bout des doigts, parfois même du bluegrass; c'est deux guitares, une batterie, des percussions, du piano, de l'accordéon, du banjo, de la mandoline, du lap steel, et même des clochettes!; c'est du chant gracieux, mélodique, doux, autant que des envolées fortement aiguës et contrôlées qui n'ont rien à envier aux hymnes tentateurs des Sirènes; ce sont des harmonies mais surtout des chansons à "hook", c'est-à-dire qui sont inoculées de cette mélodie qui vous reste en tête, et surtout qui sont drôlement bien construites.
En tête, Marylène Hains, que j'ai la chance de connaître un peu, puisque nous enseignons au même collège. Ses textes laissent d'ailleurs transparaître avec évidence la vocation de professeure de philosophie de la chanteuse. Non mais il fallait être au Cercle, à Québec, vendredi soir, pour être témoin de rien de moins qu'une acclamation de Nietzsche dans un show rock (je vous dirais bien qu'il a été ovationné, mais tout le monde était déjà debout...). Faut le faire quand même - tiens, voilà un défi pour J.O.E. Daking et autres spécimens avariés issus de la production en série à la Quebecor. Dans la salle, des étudiants surtout (dont plusieurs connaissent les paroles des chansons!) et, ah oui, ce trio de beaux-frères, sans doute, venus se rendre compte au bar que le Cercle ne sert pas de Molson Ex. À retenir : Marylène et les Heureux perdus, ce n'est pas pour les vrais Serge.
Il faut reconnaître le caractère résolument engagé de Marylène, gauchiste notoire qui profite d'un segment instrumental pour distribuer des tracts dans la foule, elle qui remet une partie des revenus de la soirée au Plan Nagua et qui annonce, en début de spectacle, que circulera parmi les convives une pétition visant à faire libérer un prisonnier de Guantanamo. Bref, on est loin des "tchin-tchin" d'Éric Lapointe et des sacres de Plume entre les tounes.
Il y a un peu de Dumas dans la musique des Heureux perdus, du Lynda Lemay, peut-être, dans les mélodies vocales (moins les odes ridicules aux souliers, aux bobettes et autres pièces d'équipement du quotidien), parfois des rappels des Cowboys Fringants (sauf qu'à la tête des Heureux perdus, on a quelqu'un qui sait chanter). J'ose même reconnaître des relents de Muse ou du rock britannique contemporain, par moments.
Le show des Heureux perdus est une invitation au voyage, gracieuseté des présentations philosophiques, presque oniriques que fait Marylène de chacune des pièces - entrecoupées par la folie manifeste (et rafraîchissante) de son frère, Jasmin, à la guitare rythmique - un hyperactif à ne pas faire jouer en première partie d'Isabelle Boulay - le mélange Jasmin Hains et Prozac préalables aux shows de la rouquine neurasthénique pourrait entraîner une surdose faisant surchauffer l'organisme...
Une mention toute spéciale aux autres musiciens, qui laissent en apparence toute la place aux Hains : le bassiste (qui pourrait fort bien être professeur d'éducation physique) est solide, le batteur, fiable, et le percussionniste, inventif. Mention toute spéciale au guitariste soliste, Éric Blanchard, une espèce de Harry Potter qui a défroqué de Poudlar pour fuguer à Woodstock. Le guitariste que je suis depuis un quart de siècle sait reconnaître quelqu'un qui a du talent... et je ne parle pas de Wilfred LeBouthillier. Blanchard manie aussi bien le banjo que la mandoline, le lap steel ou la Stratocaster. Ses soli sont inspirés, pas clichés, malgré la simplicité des suites d'accords de certaines pièces. On suppose que Blanchard a décidé très jeune de troquer le Nintendo pour la Strato.
Voilà un groupe qui offre un matériel net, professionnel, et qui m'a donné le goût d'acheter l'album qui sortira prochainement - parce que lorsqu'on est aussi droit, aussi réglé au quart de tour en spectacle, on ne peut que faire un travail efficace en studio. L'amateur de rock que je suis espère que le son soit aussi électrique, aussi rock, justement, sur l'album - le transfert du direct au studio entraîne parfois quelques trahisons (la dernière fois que j'en ai été témoin, c'est quand j'ai écouté l'album de Blue October après les avoir vus au Festival d'été, en 2006). Je suis prêt à encourager volontiers la musique québécoise, lorsqu'elle a quelque chose de différent à m'offrir et lorsqu'elle sonne bien.
Espérons que le disque soit porteur au moins d'un tantinet de l'âme qui hantait chaque pièce, vendredi soir. Il faut dire que Marylène était particulièrement inspirée, elle qui s'est permis de danser, de sauter partout, nus pieds... malgré le fait qu'elle soit enceinte jusqu'aux yeux! Ça aussi, il faut le faire. (Il y en a qui ont laissé en plan des dizaines de milliers de spectateurs au Stade olympique, en 1992, pour des raisons plus douteuses...)
Vous aurez compris que je ne saurais trop recommander un groupe aussi rafraîchissant et étonnamment prêt pour la notoriété. Dans un Québec qui, le plus souvent, mesure la valeur de ses artistes à la qualité de leurs textes, trop souvent au détriment de la musique (pourquoi sinon aurait-on autant célébré l'album Aux portes du matin de Richard Séguin, alors que la plupart des pièces qu'on y trouve reprennent les accords de do, de ré et de sol dans l'ordre et dans le désordre?), il faut saluer le travail binaire de la bande à Marylène : ils sont la preuve que travailler les textes ne devrait pas exonérer qui que ce soit de s'attarder à la qualité de la musique.
Les Heureux perdus ne sont pas si perdus que ça, et on se doute bien qu'ils savent exactement où ils s'en vont.
SL
2 commentaires:
Je serais curieux d'entendre. J'essaie de découvrir des sons de plus en plus différents et originaux, dans tous les styles possibles. Je constate malheureusement, comme tu le précisais, que la musique d'ici laisse souvent la qualité musicale au détriment des textes et parfois même au détriment de rien du tout.
Est-ce que les Heureux ont un site Internet?
PsyLark, oui, ils ont un site : clique sur le nom du groupe, dans la première phrase de mon texte.
SL
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