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mardi 11 décembre 2007

Oh-maha, can you see?

« Look up on the wall, baby

Hand me down my shooting iron

Call your mother long distance

Tell her to expect your body home

Stevie Ray Vaughan, « Boot Hill »


Ça vous frappe, lorsque vous assistez à un match du Canadien. Vous vous levez avant la partie pour écouter les hymnes nationaux, et ça vous frappe. D’abord, vous remarquez deux vers dans l’hymne national américain : And the rockets' red glare, / The bombs bursting in air. Puis vous portez peut-être pour la première fois attention aux paroles de l’hymne canadien. Enfin, vous constatez que tandis que l’un des textes est porteur d’une certaine fierté guerrière, évoquée par les roquettes et les bombes, par une protection féroce du territoire, l’autre est axé principalement sur des valeurs (la gloire des anciens, la foi, les droits). D’ailleurs, la fillette qui porte une gerbe de fleurs, dans la vidéo qui accompagne l’hymne du Canada, sur l’écran géant du Centre Bell, vous met le caractère pacifique de la feuille d’érable en pleine figure.

Vous en venez à vous demander si le caractère agressif et belliqueux des États-Unis est inscrit dans les gènes parce qu’il est fièrement inscrit dans l’histoire du pays. Comme une tache de naissance.

C’est immanquable : vous établissez un lien avec la tuerie d’Omaha du mercredi 5 décembre dernier. Survenue la veille du triste 18e anniversaire de la tuerie de l’École polytechnique. Non, ce genre d’événement ne survient pas qu’ailleurs ; mais il survient plus souvent aux États-Unis. Vous vous demandez comment il se peut qu’un territoire qui contient environ 6 % de la population mondiale recèle environ 75 % des meurtriers en série de la planète.

Vous vous demandez à quoi a pensé Robert Hawkins, 19 ans, avant de décharger son AK-47 sur 8 innocents puis de retourner l’arme contre lui-même. Vous ragez de constater que l’adolescent a décidé (comme c’est trop souvent le cas) d’en entraîner d’autres avec lui dans la mort. Vous vous dites qu’il aurait été si facile de se faire exploser la tête discrètement, dans le bois, comme un chat qui choisit d’aller mourir loin de son maître. Vous blâmez les parents, incapables d’ouvrir les yeux sur les problèmes de leur garçon. Vous tentez de le comprendre, lui qui a passé sa courte vie à naviguer de famille d’accueil en famille d’accueil.

Surtout, vous êtes incapable de concevoir qu’un jeune de son âge ait pu se procurer aussi facilement une arme à feu.

Vous parcourez le Net à la recherche d’éléments de compréhension, vous louvoyez entre les récupérations faciles de cette tragédie par les divers réseaux de nouvelles en continu, qui ne trouvent comme substance qu’à passer en boucle l’enregistrement audio de l’appel au 911 d’une témoin oculaire paniquée, avec comme fond d’écran les images de l’expulsion forcée des clients du centre commercial Von Maur, où a eu lieu le crime.

Vous apprenez que le jeune homme éprouvait des problèmes eh ben… Une de ses collègues de classe dévoile en sanglotant qu’il portait toujours du noir et que ses cheveux lui cachaient le visage. Vous vous dites que, bien sûr, ces indices auraient dû aider tout son entourage à prévenir le pire (haro sur tous les jeunes vêtus de noir, sur tous les échevelés dont les mèches retombent sur une partie du visage)…

Vous apprenez que le jeune recherchait la gloire. Qu’il voulait « devenir célèbre » (ce sont ses mots), avant de mourir.

Vous vous demandez pourquoi il n’a pas cherché à devenir respecté pour son intelligence, pour ses accomplissements académiques, ou pour ses prouesses littéraires dans un roman à succès, ou pour ses exploits sportifs, ou pour ses actes de bravoure, ou pour son dévouement pour sa communauté. Au pire, vous dites-vous, il aurait pu participer à un équivalent américain de Loft Scories, eût-il visé désespérément la notoriété malgré un QI déficient.

Vous comprenez que l’horreur qu’il a commise était probablement le seul outil à sa portée, le seul qui allait lui permettre une renommée assurée. Car l’important, c’est la renommée, non ? Tout le monde doit devenir célèbre, n’est-ce pas ? Tout le monde a le droit de devenir célèbre, pas vrai ? Comme Lindsay Lohan mais oui, vous savez, cette actrice qui a joué dans… dans… celle qui se fait arrêter régulièrement pour abus de drogue, vous la replacez ? Mais oui, tout le monde a le droit de devenir célèbre.

Comme tout le monde a le droit de porter une arme à feu « en Amérique », ce pays dont l’appellation exclut les autres nations du continent tellement il est le meilleur, celui qui s’arroge tous les droits, le plus dominant même si son dollar, oui bon, vous le savez, n’est plus ce qu’il était et que, non, vous ne croyez pas que cela puisse avoir quoi que ce soit à voir avec l’instabilité du pays due à l’autre tuerie, celle qui a cours au Moyen-Orient.

Vous avez le réflexe d’aller consulter le site de la NRA (National Rifle Association), l’organisme américain qui revendique et défend bec et ongles le droit de porter une arme à feu « en Amérique ». Vous y prenez connaissance des moyens employés par l’association pour légitimer le port d’arme à feu aux États-Unis. Des moyens qui, vous devez l’admettre, font tous preuve de bonne foi.

Comme la référence au texte de cet éditorialiste du Washington Times, qui croit qu’Anne-Loraine Schmitt, une Française de 23 ans, aurait évité le viol et la mort, eût-elle possédé une arme à feu. (Et pourquoi pas saisir du coup l’occasion pour donner une nouvelle baffe à la France à propos des lois françaises de port d’arme, tiens.)

Comme la référence à ce fait divers du Detroit News, qui vous révèle qu’un homme est parvenu à maîtriser un voleur par effraction grâce à son arme à feu. Vous apprenez en effet que c’est en assénant un coup de la crosse de son fusil au criminel (celui qui tentait d’entrer par effraction…) que le propriétaire a réussi à le terrasser avant d’appeler la police. Vous savez c’est inscrit profondément en vous de manière indélébile que la crosse d’un fusil fait beaucoup plus mal qu’un tuyau de plomb (après tout, les personnages de Clue reviennent partie après partie, alors ce ne doit pas être si efficace…) ou qu’un bâton de hockey (de toute façon, le hockey n’est pas si populaire dans la cour d’Uncle Sam, alors comment espérer qu’un Américain soit tenté de se procurer un bâton ?).

Comme cette nouvelle publiée par The Salt Lake Tribune selon laquelle un groupe d’étudiants de l’Université de l’Utah revendique le droit de porter une arme à feu sur le campus. (Vous respirez mieux en lisant que l’arme devra être dissimulée sous les vêtements. Quand même…) Vous gobez, larme à l’œil, les propos de cet étudiant paraplégique, qui révèle que le choix de porter à vue son arme sur le campus n’aurait rien d’un acte politique, lui qui affirme se baser plutôt sur la météo de la journée. Vous le comprenez, en effet, de ne consentir à dissimuler son arme que lorsqu’il faut la protéger des intempéries.

Aussi comme ce cas vécu par Josh Pappas, un ex-militaire de 21 ans dont vous saluez le courage, lui qui a été brûlé aux deuxième et troisième degrés lors de l’explosion d’une bombe en Irak, en décembre 2006. Vous vous réjouissez pour lui d’apprendre qu’il se rétablit et peut à présent pratiquer l’activité qu’il a trouvée tout à fait à propos comme thérapie. Vous êtes émerveillé(e) par son ingéniosité, lui qui est aussi parvenu à associer, dans un même mot, les notions de religion et de droit à l’armement, en créant avec sa femme H.E.A.V.E.N. (Hunting Escape for Veterans to Encourage Natural healing).

Poussant plus avant vos recherches, vous apprenez que le Deuxième Amendement de la Constitution américaine celui qui accorde le droit de détenir une arme à feu provient d’intentions louables. Vous hochez la tête en signe d’approbation en traduisant ces informations en provenance de Capitalism.org selon lesquelles « le droit de posséder une arme à feu est basé sur le droit à l’autodéfense, c’est-à-dire le droit à ce moyen de se défendre contre ceux qui souhaitent détruire la vie de quelqu’un. Le droit d’autodéfense en soi est [donc] un corollaire du droit à la vie ». Vous applaudissez de contentement ! Comment ne pas y avoir pensé avant les Américains ! Qui plus est, vous apprenez sur le site de l’Independent Institute qu’un dénommé James Madison, dans le journal The Federalist en 1787, reprochait aux gouvernements des pays européens de « ne pas faire confiance aux gens qui possèdent une arme ». Vous y lisez aussi le but du Deuxième Amendement (que vous traduisez librement) : « Puisque des dirigeants […] peuvent tenter de tyranniser [leur peuple] et puisque les forces militaires qui doivent occasionnellement être déployées pour la défense du pays peuvent pervertir leur pouvoir au détriment de leurs compatriotes, le peuple est légitimé dans son droit de posséder et de porter des armes personnelles. » Vous auriez dû y penser, inculte que vous êtes ! Le droit des Américains de porter une arme est séculaire et les justifications qu’évoquait Madison au XVIIIe siècle sont tout à fait d’actualité : au diable Lincoln, qui prétendait qu’un droit de vote est plus puissant qu’une balle de fusil ! Si le leader du pays abat le boulot plus mal qu’il n’abat ses proies à la chasse, vous le flinguez, tout simplement. Sauf s’il fricote avec la NRA entre deux parties de base-ball de ses Rangers du Texas. Évidemment.

De plus en plus jaloux, vous consultez les avantages qu’on trouve à devenir membre de la NRA et on vous achève (au sens figuré, n’ayez crainte) en vous apprenant que la plupart des bénéfices des membres sont des polices d’assurances plus avantageuses les unes que les autres… en cas de mort accidentelle.

Enfin, armé de toutes ces informations, vous vous rendez au cinéma le plus près et relaxez en regardant No Country for Old Men, le dernier film des frères Coen, dans lequel vous êtes témoin du respect de tout Américain pour quiconque a enfilé un jour l’uniforme de militaire (et vous êtes ému en voyant le personnage de Llewelyn Moss convaincre le douanier, à la frontière du Texas et du Mexique, de le laisser revenir dans son pays, et ce, bien qu’il ait l’air du pire des malfrats et comment, qu’il peut franchir la frontière : il a combattu au Viet Nam, le preux !).

Muni de ce nouvel éclairage sur la NRA et le droit de tout Américain de porter une arme même avant d’atteindre l’âge de la majorité , vous comprenez que les huit victimes de Robert Hawkins n’avaient qu’à choisir un autre moment pour magasiner chez Von Maur. Que Hawkins a souhaité « protéger le droit à la vie » des autres consommateurs du centre commercial en éliminant les huit malotrus qui menaçaient la vie des autres en profitant de tous les rabais cette journée-là. Vous déduisez aussi que Hawkins, altruiste jusqu’au bout, aura retourné l’arme contre lui-même pour protéger les quelque 300 millions d’Américains qui lui survivent contre lui-même, puisque, d’une certaine façon, il « menace le droit à la vie » de ses compatriotes en éliminant d’autres « menaces à la vie » de ses compatriotes.

Un peu confus, vous décidez de vous aérer l’esprit en profitant de votre séjour sur le site de la NRA pour penser à vos emplettes des Fêtes, qui viennent à grands pas.

Vous convoitez d’abord et avant tout cette paire de jeans conçue pour porter subrepticement une arme à feu. Vous savez que vous feriez fureur dans les bars dans ce que la NRA appelle les Tactical Jeans.

Vous ne négligez pourtant pas la mallette de modèle NAVY Seal qui vous le notez pour ne pas l’oublier peut également contenir un ordinateur portable.

Pour votre mère, vous ne résistez pas à la tentation de commander cette décoration pour le sapin de Noël. Vous connaissez suffisamment maman pour savoir que, si elle apprenait que vous avez laissé passer pareille occasion, elle serait en beau fusil. (Vous vous prenez à espérer que l’an prochain les boules de Noël soient remplacées par des balles de Noël, que tout un chacun pourrait charger dans son AK-47 pour le réveillon.)

Vous trouvez que vous êtes décidément né dans un pays de mauviettes, mais voici votre chance de porter un peu des États-Unis en vous (ou, du moins, chez vous) : un laminé du Deuxième Amendement vous attend dans la zone de magasinage du site Web de la NRA !

Nec plus ultra du confort, ce jeté à l’effigie de la NRA, vous vous en doutez, saura protéger vos arrières.

Pour votre beau-frère, que vous convaincrez aisément du bien-fondé de la position de la NRA, optez pour un calendrier exposant les merveilles du règne animal, l’appât idéal. (Un peu comme le calendrier des scouts pour un pédophile, dans le fond.)

Tant de merveilles pour toutes les personnes qui vous sont chères et qui, vous le savez, tiennent à la vie et sont prêtes à tout pour protéger la vie.

Vos êtres chers ne sont pas comme ce satané Michael Vick, ex-quart-arrière des Falcons d’Atlanta, à qui vous n’enverriez aucun cadeau : vous venez de prendre connaissance de la sentence qu’on lui a infligée pour avoir commis des actes criminels.

Certaines personnes, vous en convainquez-vous, n’ont aucun respect pour la vie.


lundi 10 décembre 2007

Flammèche : de l'efficacité de la pub

Aperçu ce matin dans le stationnement du cégep : un corbeau traînant dans son bec un sac de papier blanc.

Le sac est vide.
Mais il porte le logo de McDonald's.

On a beau dire, c'est vrai que les Grandes Arches dorées sont reconnues universellement.

* Croa-croa-a-aa-aaaa !*

(Traduction libre : « C'est ça que j'M ! »)

SL

jeudi 6 décembre 2007

Choisir sa cible... tout simplement




« J'abhorre le racisme. Je déteste la xénophobie.

Je crois dans la force et la richesse de la diversité. »

Nicolas Sarkozy

Ça m’est tombé dessus comme ça, sans que je le demande. En fait, ça m’est entré dans l’oreille pendant une mise en attente au téléphone.

La commission Bouchard-Taylor bat son plein depuis plusieurs mois. Elle donne au peuple l’occasion d’aller délirer en public, de souvent proférer des inepties quand ce n’est pas des maladresses. C’est sans doute pourquoi on accuse les Québécois, depuis le début de cette mascarade qui fait une tournée du Québec sans doute plus remarquée que celle des Cowboys Fringants, de chauvinisme anti-musulman. Le regard extérieur qu’on pose sur nous, depuis la mise sur pied de cette commission, est souvent intrigué, interrogateur, amusé même.

Voilà qui fait mentir Jacques Bouchard, qui affirmait dans son ouvrage posthume Nouvelles cordes sensibles des Québécois, publié aux éditions Les Intouchables en 2006 28 ans après le premier opus que de nos jours, les Québécois ne sont plus xénophobes : « De voleurs de jobs, les immigrants sont devenus des créateurs de jobs. On n'exige plus qu'ils soient blancs, catholiques, francophones et en bonne santé » (cité sur les affaires.com). On exige simplement, aurait-il dû ajouter, qu’ils ne menacent pas le Québec de perdre ses acquis sociaux et surtout culturels. Parce que le Québécois moyen doit savoir qu’il a besoin de l’immigration la survie du Québec en dépend, notre faible taux de natalité ne permettant pas d’espérer dépasser, à ce rythme, la barre des 2,5 millions d’habitants d’ici 100 ans, sans l’immigration. Seulement, le Québécois moyen ne veut pas perdre la laïcité qu’il a acquise au cours des dernières décennies, qu’on y soit parvenu en s’affranchissant pendant la Révolution tranquille du clergé dans les institutions publiques ou en reléguant aux oubliettes les cours d’enseignement religieux dans le parcours scolaire. Et je dois avouer que ces intentions sont compréhensibles et louables.

Ça, ce sont les préoccupations du peuple. Un peuple souvent maladroit, oui ; un peuple pas toujours suffisamment instruit, peut-être ; un peuple craintif, assurément. Un peuple dont les préoccupations sont symptomatiques de la quête identitaire québécoise qui perdure, de la peur de disparaître surtout quand on prend connaissance des chiffres du dernier recensement canadien.

La classe plus instruite, elle, appelle à l’ouverture d’esprit, au dialogue, à la tolérance, au multiculturalisme, à l’évitement des généralités et, surtout, des préjugés. Les artistes font souvent partie de cette dernière catégorie, eux qui ont pour la plupart eu accès aux études supérieures, qui ont lu, qui ont vu, qui ont vécu. Leur discours vise souvent à réorienter les perceptions populaires. Comme Sting, qui mettait en lumière dans « Russians » les générations à venir après la guerre froide. Comme Eddy Marnay, qui appelle au consensus dans « La croix, l’étoile et le croissant », croyant manifestement à l’irénisme et aux velléités œcuméniques de trois des grandes religions du monde. Comme Luc De La Rochelière chez nous, qui dans « Amère América » dénonçait une Amérique du Nord nombriliste qui jouait l’autruche en laissant l’Amérique du Sud dans le pétrin. On peut aussi penser aux Cowboys Fringants, défenseurs de la veuve et de l’orphelin, qui prêchent l’ouverture aux autres et le multiculturalisme dans « Dieudonné Rastapopoulos », une chanson de 1997 dans laquelle le Dieudonné en question (sûrement pas originaire de Hérouxville avec un tel nom) devient ami avec un dénommé Fu Mang Chu (sans doute de Jonquière, celui-là).

Ce sont ces mêmes Cowboys Fringants qui se sont faufilés dans mon oreille, mardi. (Personnellement, je ne les y aurais pas laissés s’y insinuer, moi qui n’aime pas leur musique vous savez, moi, le néo-trad…).

Ce sont ces mêmes artistes de gauche, donc, que j’ai entendus déclamer, dans « Toune d’automne », les paroles suivantes : « Chus fier que tu m’aies pas ramené / Un beau-frère de l’Alberta / Ça m’aurait un peu ébranlé ».

Voilà qui m’indique que la xénophobie, c’est comme une tenue vestimentaire : tout le monde la porte, mais elle varie selon la mode. Il faut savoir porter le bon veston au bon moment et devant les bonnes personnes. D’un côté, le peuple fixe son viseur sur les immigrants par ignorance, les considérant comme un troupeau uniformément menaçant. De l’autre, la classe instruite, plus wise, se pense bonne, ouverte et moderne en défendant le troupeau opprimé… tandis que de son autre main elle cible le voisin anglo, tellement plus accessible, plus politiquement-correctement attaquable parce que de la même couleur et du même pays (aux dernières nouvelles).

Pourtant, suffit que l’Anglo, lui, s’en prenne au Franco-Québécois pour engendrer un raz-de-marée chez nous. Il faut un Don Cherry pour quinze humoristes qui font des blagues de Newfies ou d’Ontariens. À la petite école, on nous sensibilisait au racisme des blagues impliquant des Juifs, des Noirs, des Arabes, des Italiens même. Jamais on ne nous a réprimandés pour avoir mis en scène désavantageusement un Newfie.

Loin très loin de moi l’idée de prendre la défense de ceux qui sont en mesure de se défendre par eux-mêmes. Seulement, je trouve quand même ironique de voir (et d’entendre) des porte-étendards de la tolérance et de l’ouverture se laisser prendre au piège de la généralisation.

Me semble que l’abolition des préjugés, ça devrait toucher tout le monde. Me semble que quand on est nationaliste, on peut s’en remettre à des arguments plus intelligents que la diabolisation de l’Autre. Même quand on a le sentiment d’être persécuté par l’Autre en question. Me semble qu’il y a moyen d’aligner des faits au lieu de se laisser aller au jeu des cheap shots. J’imagine que les Cowboys Fringants font partie de la bonne gang, comme Guy Richer (le candidat bloquiste), qui faisait rire en se moquant de la bouche croche de Chrétien du temps qu’il était imitateur et/ou comédien, tandis que le caricaturiste du journal The Gazette, au lendemain du référendum de 1995, s’était fait injurier pour avoir dessiné un Lucien Bouchard dont la jambe se faisait gruger par le castor canadien… Dans les deux cas, pourtant, les traits caricaturés relèvent de problèmes de santé…

On a peur des intégristes, mais me semble qu’on intègre facilement, pour notre part, la politique du deux poids, deux mesures. Imaginez que les Tragically Hip, dans un recoin de leur Kingston natale, scandent « They shot a movie once in a Quebec town / Everybody looked stupid from miles around ».

Pariez qu’on ne verrait plus jamais la bande de Gordon Downie au Centre Bell.

Pariez aussi que les Cowboys Fringants ne se sentent pas menacés de ne jamais pouvoir se produire devant des Ontariennes prêtes à lancer sur scène leur brassière…

SL