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jeudi 6 décembre 2007

Choisir sa cible... tout simplement




« J'abhorre le racisme. Je déteste la xénophobie.

Je crois dans la force et la richesse de la diversité. »

Nicolas Sarkozy

Ça m’est tombé dessus comme ça, sans que je le demande. En fait, ça m’est entré dans l’oreille pendant une mise en attente au téléphone.

La commission Bouchard-Taylor bat son plein depuis plusieurs mois. Elle donne au peuple l’occasion d’aller délirer en public, de souvent proférer des inepties quand ce n’est pas des maladresses. C’est sans doute pourquoi on accuse les Québécois, depuis le début de cette mascarade qui fait une tournée du Québec sans doute plus remarquée que celle des Cowboys Fringants, de chauvinisme anti-musulman. Le regard extérieur qu’on pose sur nous, depuis la mise sur pied de cette commission, est souvent intrigué, interrogateur, amusé même.

Voilà qui fait mentir Jacques Bouchard, qui affirmait dans son ouvrage posthume Nouvelles cordes sensibles des Québécois, publié aux éditions Les Intouchables en 2006 28 ans après le premier opus que de nos jours, les Québécois ne sont plus xénophobes : « De voleurs de jobs, les immigrants sont devenus des créateurs de jobs. On n'exige plus qu'ils soient blancs, catholiques, francophones et en bonne santé » (cité sur les affaires.com). On exige simplement, aurait-il dû ajouter, qu’ils ne menacent pas le Québec de perdre ses acquis sociaux et surtout culturels. Parce que le Québécois moyen doit savoir qu’il a besoin de l’immigration la survie du Québec en dépend, notre faible taux de natalité ne permettant pas d’espérer dépasser, à ce rythme, la barre des 2,5 millions d’habitants d’ici 100 ans, sans l’immigration. Seulement, le Québécois moyen ne veut pas perdre la laïcité qu’il a acquise au cours des dernières décennies, qu’on y soit parvenu en s’affranchissant pendant la Révolution tranquille du clergé dans les institutions publiques ou en reléguant aux oubliettes les cours d’enseignement religieux dans le parcours scolaire. Et je dois avouer que ces intentions sont compréhensibles et louables.

Ça, ce sont les préoccupations du peuple. Un peuple souvent maladroit, oui ; un peuple pas toujours suffisamment instruit, peut-être ; un peuple craintif, assurément. Un peuple dont les préoccupations sont symptomatiques de la quête identitaire québécoise qui perdure, de la peur de disparaître surtout quand on prend connaissance des chiffres du dernier recensement canadien.

La classe plus instruite, elle, appelle à l’ouverture d’esprit, au dialogue, à la tolérance, au multiculturalisme, à l’évitement des généralités et, surtout, des préjugés. Les artistes font souvent partie de cette dernière catégorie, eux qui ont pour la plupart eu accès aux études supérieures, qui ont lu, qui ont vu, qui ont vécu. Leur discours vise souvent à réorienter les perceptions populaires. Comme Sting, qui mettait en lumière dans « Russians » les générations à venir après la guerre froide. Comme Eddy Marnay, qui appelle au consensus dans « La croix, l’étoile et le croissant », croyant manifestement à l’irénisme et aux velléités œcuméniques de trois des grandes religions du monde. Comme Luc De La Rochelière chez nous, qui dans « Amère América » dénonçait une Amérique du Nord nombriliste qui jouait l’autruche en laissant l’Amérique du Sud dans le pétrin. On peut aussi penser aux Cowboys Fringants, défenseurs de la veuve et de l’orphelin, qui prêchent l’ouverture aux autres et le multiculturalisme dans « Dieudonné Rastapopoulos », une chanson de 1997 dans laquelle le Dieudonné en question (sûrement pas originaire de Hérouxville avec un tel nom) devient ami avec un dénommé Fu Mang Chu (sans doute de Jonquière, celui-là).

Ce sont ces mêmes Cowboys Fringants qui se sont faufilés dans mon oreille, mardi. (Personnellement, je ne les y aurais pas laissés s’y insinuer, moi qui n’aime pas leur musique vous savez, moi, le néo-trad…).

Ce sont ces mêmes artistes de gauche, donc, que j’ai entendus déclamer, dans « Toune d’automne », les paroles suivantes : « Chus fier que tu m’aies pas ramené / Un beau-frère de l’Alberta / Ça m’aurait un peu ébranlé ».

Voilà qui m’indique que la xénophobie, c’est comme une tenue vestimentaire : tout le monde la porte, mais elle varie selon la mode. Il faut savoir porter le bon veston au bon moment et devant les bonnes personnes. D’un côté, le peuple fixe son viseur sur les immigrants par ignorance, les considérant comme un troupeau uniformément menaçant. De l’autre, la classe instruite, plus wise, se pense bonne, ouverte et moderne en défendant le troupeau opprimé… tandis que de son autre main elle cible le voisin anglo, tellement plus accessible, plus politiquement-correctement attaquable parce que de la même couleur et du même pays (aux dernières nouvelles).

Pourtant, suffit que l’Anglo, lui, s’en prenne au Franco-Québécois pour engendrer un raz-de-marée chez nous. Il faut un Don Cherry pour quinze humoristes qui font des blagues de Newfies ou d’Ontariens. À la petite école, on nous sensibilisait au racisme des blagues impliquant des Juifs, des Noirs, des Arabes, des Italiens même. Jamais on ne nous a réprimandés pour avoir mis en scène désavantageusement un Newfie.

Loin très loin de moi l’idée de prendre la défense de ceux qui sont en mesure de se défendre par eux-mêmes. Seulement, je trouve quand même ironique de voir (et d’entendre) des porte-étendards de la tolérance et de l’ouverture se laisser prendre au piège de la généralisation.

Me semble que l’abolition des préjugés, ça devrait toucher tout le monde. Me semble que quand on est nationaliste, on peut s’en remettre à des arguments plus intelligents que la diabolisation de l’Autre. Même quand on a le sentiment d’être persécuté par l’Autre en question. Me semble qu’il y a moyen d’aligner des faits au lieu de se laisser aller au jeu des cheap shots. J’imagine que les Cowboys Fringants font partie de la bonne gang, comme Guy Richer (le candidat bloquiste), qui faisait rire en se moquant de la bouche croche de Chrétien du temps qu’il était imitateur et/ou comédien, tandis que le caricaturiste du journal The Gazette, au lendemain du référendum de 1995, s’était fait injurier pour avoir dessiné un Lucien Bouchard dont la jambe se faisait gruger par le castor canadien… Dans les deux cas, pourtant, les traits caricaturés relèvent de problèmes de santé…

On a peur des intégristes, mais me semble qu’on intègre facilement, pour notre part, la politique du deux poids, deux mesures. Imaginez que les Tragically Hip, dans un recoin de leur Kingston natale, scandent « They shot a movie once in a Quebec town / Everybody looked stupid from miles around ».

Pariez qu’on ne verrait plus jamais la bande de Gordon Downie au Centre Bell.

Pariez aussi que les Cowboys Fringants ne se sentent pas menacés de ne jamais pouvoir se produire devant des Ontariennes prêtes à lancer sur scène leur brassière…

SL

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pariez aussi que Steve Laflamme ne se sent pas menacé de devoir se produire devant ses amis dont une fille du Lac prête à lancer sur le plancher sa brassière…
Hé! Hé! Hé!