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mardi 24 juin 2008

Ah ! la Saint-Jean...

Réjean, Réjean, Réjean...

Chaque année le repêchage de la Ligue nationale de hockey et la Saint-Jean-Baptiste se côtoient, à quelques jours d'intervalle. Et chaque année, le même discours, depuis plusieurs années.

Cette année encore, quelques journalistes et gérants d'estrade - Réjean Tremblay en tête - reprochent au Canadien de n'avoir repêché aucun joueur québécois, personne de la LHJMQ. Qui plus est, Tremblay conspue le CH parce qu'il a préféré trois Américains aux p'tits gars de chez nous.

Réjean, Réjean, Réjean!

Primo, le meilleur Québécois, selon le classement de la LNH, était Nicolas Deschamps, positionné au 21e ou au 25e rang, selon la source qu'on consultait. Deschamps est un joueur de 6 pieds et à peine 175 livres, une fois qu'il est bien trempé et a les dents brossées. On ne parle pas encore du joueur de centre de gros gabarit que le CH cherche depuis des lunes.

Secundo, depuis 1980, l'« année Doug Wickenheiser », le CH s'est royalement trompé plus souvent qu'à son tour avec ses premiers choix. Je n'énumérerai même pas les pieds de céleri qu'on a repêchés au premier tour - de toute façon, il y a des Brad Brown et autres Terry Ryan que j'ai oubliés depuis belle lurette. Bob Gainey savait qu'il pouvait aller chercher Alex Tanguay à Calgary pour une bouchée de pain (son choix de 25e ronde, une position où il ne reste déjà plus grand-chose lors d'une cuvée comme celle de cette année). Comme l'indique François Gagnon sur son blogue aujourd'hui, acquérir Tanguay, un Québécois de premier plan dans la LNH, correspond à ce premier choix francophone, de toute manière.

Tertio, et c'est le plus important selon moi, il faut se demander quel est le rôle du Canadien : Bob Gainey a-t-il la tâche de trouver les meilleurs employés disponibles, ceux qui sont susceptibles de lui donner le plus dans l'avenir et mener l'équipe le plus loin possible, ou doit-il trouver des ambassadeurs du Québec qui, comme le Bonhomme Carnaval et Mado Lamothe, sont des pancartes qui ont un produit à vendre?

Sur quelles bases juge-t-on la qualité d'une équipe, une fois la saison et les séries terminées : en observant son taux de victoires et ses succès en séries ou sa capacité à représenter le peuple? Il y a déjà assez, à mon avis, de Star Académie qui privilégie la représentativité régionale plutôt que le talent...

Pourquoi le Canadien devrait-il se composer une équipe surtout québécoise en faisant fi de la qualité des joueurs? Le Canadien n'est pas l'Assemblée nationale : peu importe la nationalité des joueurs qui forment l'équipe; leur tâche est d'apprendre à jouer ensemble et de gagner. Guy Bertrand a montré, oui, qu'une équipe toute québécoise ferait bonne figure au niveau mondial. Le problème, c'est que les Québécois de talent, les Simon Gagné, Vincent Lecavalier, Patrice Bergeron, Marc-André Fleury et compagnie, ne sont pas l'exclusivité de l'équipe montréalaise. Et personnellement, je ne choisirais pas non plus un Québécois juste pour choisir un Québécois, s'il y avait un Américain, un Tchèque, un Russe, voire un Éthiopien mieux classés que le p'tit gars de chez nous. Les Oilers d'Edmonton se font-ils un devoir de ne repêcher que les boeufs qui sortent de la Ligue de l'Ouest? Les très protectionnistes Américains obligent-ils leurs équipes états-uniennes à ne repêcher que dans les universités de l'Oncle Sam?

J'insiste : le but est de trouver la meilleure recette pour gagner; pas de trouver le joueur qui se fera le mieux comprendre de ma tante Aline en entrevue ni celui qui aura le plus beau sourire à côté des enfants malades de l'hôpital Sainte-Justine.

Qu'on exige du capitaine Koivu qu'il baragouine quelques mots de français, soit; je suis moi-même professeur de français et suis fier d'être Québécois ainsi que de parler le français en Amérique. Le capitaine a un rôle de représentant et devrait être en mesure d'exprimer la pensée de son équipe dans la langue de la ville qui le fait travailler. Si Bob Gainey, un Ontarien, a compris qu'il devait le faire et a pu le faire, à son arrivée à Montréal, dans les années 1970, Koivu est aussi capable de le faire. (Remarquez qu'on ne peut pas s'attendre non plus à trouver un Gary Carter à chaque coin de rue en donnant un coup de pied sur une poubelle.)

Autre fait à ne pas négliger : les joueurs issus des rangs universitaires américains sont la « propriété » des équipes de la LNH pendant 4 ans - comparativement à 2 ans, pour ce qui est des joueurs issus de la LHJMQ. C'est sans doute ce qui explique, plus encore que le proaméricanisme que Réjean Tremblay prête frauduleusement à Trevor Timmins, le recruteur en chef du CH, le fait que le Canadien a sélectionné trois Américains en fin de semaine. Deux ans de plus dans le développement d'un jeune joueur de hockey, c'est énormément significatif.

En attendant de voir ce qu'il adviendra des Québécois repêchés et de ceux qui ne l'ont pas été, en attendant de voir ce que deviendront les Américains sur qui le CH a jeté son dévolu, la LHJMQ doit faire ses devoirs et s'autoanalyser : il n'y a pas que le Canadien qui a boudé les Québécois au premier tour.

En attendant aussi les premiers coups de patin de Tanguay et la signature (peut-être) du grand Sundin, en attendant que le mercantile Hossa obtienne le pactole le 1er juillet et que Michael Ryder trouve une équipe assez moribonde pour lui donner une chance de racheter la saison merdique qu'il vient de connaître, je me dis que j'assiste, ces jours-ci, à tout
un pan de ce qu'est le Québec : beau temps mauvais temps à la Saint-Jean, il est toujours question de hockey, autant sinon plus que des artistes qui ont joué sur les Plaines d'Abraham, et nettement plus qu'il aurait été question de base-ball, même si on ne nous avait pas dérobé notre équipe professionnelle, il n'y a pas si longtemps. Et on trouve toujours les deux mêmes clans : d'un côté, les alarmistes comme Tremblay, qui crient au scandale et s'imaginent plus de conspirations qu'on en verra jamais dans les films d'Oliver Stone - entretenant ainsi le complexe de persécution de nombreux Québécois; de l'autre, les gens comme moi qui croient savoir relativiser et séparer la politique et le sport. Vouloir amalgamer les deux, c'est accorder beaucoup trop d'intelligence à nombre de personnalités sportives...

SL

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