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jeudi 1 octobre 2009

Enfin !


J'avais arrêté de l'espérer : le nouvel album d'Alice in Chains. Quand le chanteur Layne Staley a succombé à une overdose en 2002, j'ai cru que le groupe de métal grunge était mort lui aussi. Bien sûr, le guitariste Jerry Cantrell - le cerveau derrière cette faction de l'école de Seattle, pour ainsi dire (qui a vu naître les Nirvana, Pearl Jam et autres Soundgarden pour lancer la décennie 1990) - lançait quelques albums solo intelligents (Boggy Depot, 1998; Degradation Trip, 2002) qui attestaient sans conteste du fait qu'il était la signature d'Alice in Chains; mais AIC, c'était AIC, et il manquait ce bon vieux Layne...

Et voilà qu'apparaît Black Gives Way to Blue, la renaissance d'AIC, nouveau chanteur en place (William DuVall). Le groupe s'est reformé en 2005, a tourné un peu partout dans le monde avec deux autres chanteurs avant de confirmer le rôle de DuVall sur le nouvel opus. Mais le dernier album original de la formation remontait à... 1995. C'est long, 14 ans sans nouveau matériel, sans autre chose que des compilations et des albums live...

AIC, c'est AIC : les fans (dont je suis depuis une quinzaine d'années) raffoleront sans doute de Black Gives Way to Blue et les détracteurs (y en a-t-il vraiment ?) ne seront probablement pas convertis. Parce que le nouvel album est du Alice in Chains tout craché. Même son lourd, mêmes guitares et basse gutturales; même batterie qui assoit avec lourdeur le rythme. Aux voix, DuVall, sans réussir à faire oublier Staley, s'en tire bien, avec une voix plus pure, plus lisse que celle de l'ancien chanteur. Parce que Layne, c'était Layne : un esprit torturé, un toxicomane hurlant à la face de ses démons intérieurs au moyen d'une voix rauque, un parolier racontant ses trips d'héroïne (il faut écouter ce qu'il chante sur l'album Dirt (1992) pour constater le caractère glauque que recelait son existence).

Il s'agit d'un album franchement bon, et qui me confirme le talent - j'ose dire le génie - de Cantrell. Il faut écouter les harmonies vocales complexes et riches des pièces d'Alice in Chains pour constater qu'il s'est fait du rock vocal intelligent, construit et mélodique depuis A Night at the Opera de Queen...; il faut se laisser dérouter par le caractère imprévisible des enchaînements d'accords. Ce n'est pas parce que le groupe découle du mouvement alternatif que les structures de ses pièces sont conventionnelles : on est plus loin que les simples trois power chords qui caractérisent (trop) souvent le métal et le rock en général. Et cette guitare de Cantrell qui refuse de se taire, qui se rappelle à l'auditeur entre les accords, hantant chaque pièce ou presque comme une voix qui vous murmure dans le crâne.

Mon coup de coeur ? "Check my Brain", la deuxième pièce, dont la mélodie du refrain est accrocheuse et fait presque oublier l'aspect inquiétant, presque psychotique, de l'introduction. Car Alice in Chains, c'est aussi ça : depuis les débuts du groupe, c'est la mise en musique d'états psychologiques fréquemment troubles - et ce n'est pas la mort inopinée de Layne Staley qui changera cette singularité d'AIC. Après tout, c'est le bien vivant Cantrell qui a toujours composé la musique du groupe et qui s'était offert le plaisir de concocter un rythme et un enchaînement d'accords parfaits, à la demande de Staley, sur "Sick man" (Dirt). Ce qu'on oublie trop souvent en musique, c'est que c'est de la musique, justement. (J'y reviendrai dans un prochain billet.) Et Cantrell comprend comment donner à la forme les résonances du fond - ce que, malheureusement, trop peu d'artistes savent faire, priorisant les paroles au détriment de la musique.

Black Gives Way to Blue fait du bien, et Alice in Chains est de retour, bien en vie. C'est une tonne de brique qui secoue la grisaille du paysage musical souvent vide, factice. C'est une (sur)dose d'adrénaline à l'approche de la saison morte.

SL

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