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mardi 14 avril 2009

Kamikaze

« Ça va comme c'est mené », qu'ils disent en Lettonie.

Chez le Canadien, le meneur - s'il y en a un, c'est Bob Gainey, plutôt par défaut que par choix - mène tout croche.

J'éprouvais beaucoup de respect pour Gainey quand il s'est amené à Montréal, en 2003. Je me disais qu'on ne pouvait pas avoir été un leader sur la glace et ne pas traîner dans sa besace ce leadership jusqu'au septième étage du Centre Bell.

Quelques années plus tard, au terme de ce « plan quinquennal » sur lequel s'est rabattu le Capitaine Bob pendant la durée de son mandat, il appert que j'ai surestimé l'homme. J'aurais dû y penser : après le plus ardent des feux, il ne reste souvent que de la braise. Regardez aller Gretzky à Phoenix : il ne parvient pas à allumer tout le bois mort qui sèche dans son équipe.

La goutte qui a fait déborder la vase...

J'ai perdu tout le respect que j'avais pour l'ancien capitaine du CH, qui a disputé des matchs des séries avec non pas une mais les deux épaules disloquées, en 1986; celui-là même qui a joué contre Boston avec un pied fracturé - j'ai cessé de le respecter comme DG, donc, le 4 mars dernier. Pour la troisième année de suite, à la date limite des transactions, Gainey a opté pour le statu quo; il a décidé de faire confiance à la bande de tarlais qui a cassé le party du CHentenaire. Il a décidé que Nikolaï Antropov et Bill Guerin ne valaient pas des deuxièmes choix de repêchage. En trois ans, Gainey aura acquis, à la date limite des transactions, Todd Simpson, un défenseur très populaire dans sa famille. En février 2007, le jour de son acquisition, Simpson s'est donné un élan en zone défensive. On l'attend encore en zone adverse.

Surtout - surtout -, là où les fleurs se sont mises à sentir le vase (!), c'est après que Gainey eut congédié Guy Carbonneau. Je me serais attendu à du changement : après tout, le Capitaine Bob est celui qui détient le pouvoir d'apposer sa signature au bas des chèques. Niet. Les pipes sont restées des pipes, quoiqu'en eût dit Magritte - remarquez que ça n'a pas dû déplaire aux Price, Higgins, Gorges et autres réputés consommateurs de dessous féminins montréalais.

Une question de fond

Je croyais que le Canadien (et sa direction) avait atteint le fond du baril. En fin de semaine passée, le Capitaine Bob a dévoilé un double fond qui aurait fait giguer de jalousie les soeurs Lévesque. Kovalev a amorcé la partie contre Pittsburgh à l'aile droite de l'illustre Glen Metropolit, tandis que Saku Koivu, l'autre fils que George Gillett aurait aimé avoir, se demandait sur quelle partie de l'anatomie de Greg Stewart et/ou de Georges Laraque il devait lancer pour s'assurer que la rondelle reste en possession de ses deux ailiers.

Sérieusement : samedi, Gainey a fait la démonstration qu'il ne souhaitait pas gagner. Une démonstration même pas subtile. Tanguay avait-il vraiment besoin d'un repos, lui qui a eu l'occasion de visionner tous les épisodes de La montagne du Hollandais et autres Temps d'une paix à ARTV pendant ses huit semaines de vacances gracieuseté du Russe (mais généreux) Evgeny Artyukhin? Pour ma part, j'étais en promenade chez mon père, au Lac-Saint-Jean, et j'ai dû décliner l'offre du Capitaine Bob, qui m'avait offert de garder les buts en remplacement de Price - le fils de pasteur britanno-colombien avait un rendez-vous plus ou moins galant Chez Paré, ce soir-là. Question de reposer sa mitaine - et de pratiquer ses passes, à ce qu'on dit.

Sérieusement, dis-je : comment peut-on espérer que les joueurs fassent preuve de passion et d'émotion (ce sont les mots en français que Gainey a employés, après le match, pour tenter d'avoir l'air dépité d'avoir perdu contre la bande à Guerin, Kunitz et autres joueurs acquis dans le dernier droit de la saison régulière, pendant que le Capitaine Bob laissait l'oreiller lui imprégner une belle trace sur le côté de la face, juste à côté du filet de bave) - comment, disais-je, peut-on espérer que les joueurs fassent preuve de passion et d'émotion quand le coach, derrière le banc, donne l'impression de souhaiter se trouver ailleurs? Comment les joueurs peuvent-ils avoir faim de gagner quand le coach lui-même lance comme message qu'il n'a rien à battre de gagner le dernier match de la saison, et que son équipe pourrait tout aussi bien être en train de jouer aux quilles (ou de prendre part au grand Bal en Blanc) devant les caméras de RDS? Rappelons que Gainey avait indiqué, la veille, que l'objectif était atteint : le CH faisait les séries. À quoi bon gagner le dernier match et, qui sait, améliorer son sort en affrontant la deuxième meilleure équipe plutôt que la première? À quoi bon entrer dans les séries avec ce proverbial mais énigmatique momentum dont parlent les joueurs de hockey avec la même vénération que
l'Église de scientologie lorsqu'il est question de Monsieur Spock?

Voyage culturel à Boston

Jeudi soir, les joueurs du Canadien partent pour Boston. C'est à quelques heures seulement de Montréal, alors ça figurait bien comme voyage de fin d'année. Il paraît que les plus curieux de l'équipe passeront par le MIT, l'institut de technologie réputé à l'échelle mondiale. D'autres s'arrêteront peut-être à l'Université Berkeley, dont la faculté de musique a produit des géants tels les musiciens hors pair de Dream Theater, un de mes groupes préférés. D'autres, enfin, visiteront Fenway Park, là où les Red Sox pourraient vendre des billets permettant de regarder le match à un kilomètre du stade plus chèrement que les meilleures places aux matchs des Coyotes de Phoenix. Oh, et il y a aussi une partie des Bruins ce soir-là.

Les joueurs du CH - et la Direction du club - en profiteront aussi, je l'espère, pour voir à quoi ressemble une équipe modelée pour les séries, une équipe sérieuse qui travaille, qui joue avec solidarité, qui est équilibrée, qui marque des buts et qui en empêche. Ce sera bon pour la culture générale de tout le monde. Les G. O. des Bruins promettent même, apparemment, de montrer à Komisarek de quel matériau composite est constituée la baie vitrée. Paraît aussi que Tomas Plekanec, le chenapan, n'est pas sûr de prendre part au voyage : il a vu Boston l'an dernier et a appris que ce n'était pas la place des fillettes.

Comme si le bât ne nous avait pas suffisamment blessés encore, pôôôôôvres partisans de la Fanelle que nous sommes, Gainey réitérait aujourd'hui sa confiance en son club : «
Ça ne sert à rien d'envisager comment on pourrait les battre quatre fois [...]. Il faut commencer par les battre une fois. Ce ne sera peut-être pas lors du premier match, mais on va gagner une partie et on partira de là. »

Avis au joueurs du CH, donc : le match de jeudi, comme les pratiques depuis un mois et demi, est facultatif - on n'est pas obligé d'espérer le gagner, dixit le Capitaine Bob. Fiou, voilà qui enlèvera beaucoup de pression aux néo-Glorieux, dont les coudes sont meurtris d'avoir été levés plus souvent que le flambeau, cette saison.

En guise de contusion...

Le printemps sera chaud à Montréal, et ça n'aura rien à voir avec ceux qui se pavaneront sur la Sainte-Catherine. Le Canadien devra déterminer qui, à part le soigneur et les placiers du Centre Bell, sera de retour l'an prochain. Le remaniement qui se profile à l'horizon, juste avant le tournoi de golf de l'équipe (qu'on projette de tenir au début de mai, cette année) sera, à lui seul, plus intéressant que les 82 dernières parties de l'équipe.

Chose certaine, il faut que ça change, dirais-je pour paraphraser un ancien slogan politique qui concurrence difficilement le « plus ça change, plus c'est pareil » si cher à l'organisation montréalaise. Il ne fait plus de doute que, quoi qu'il advienne, Gainey doit démissionner; quitte à ce qu'on le démissionne de force... Doivent aussi le suivre Muller et Jarvis - il est inconcevable que le responsable de la défensive et de l'attaque à cinq, chez le CH, soit un ancien attaquant qui (je paraphrase mon père, qui l'a vu jouer) était incapable de marquer dans un filet désert.

La prochaine équipe de direction doit, idéalement, ne pas être formée d'anciens membres de l'organisation. On en a soupé du country club et du copinage qui a enfanté le power trip de Mario Tremblay, le départ forcé de Patrick Roy, les bourdes étourdies de Réjean Houle, la gestion d'équipe rétrograde de Carbonneau et l'immunité de certains (lire : Doug Jarvis) sous prétexte qu'ils dînent avec le DG et les Anciens Canadiens autour de grosses Molson frettes.

Le prochain DG doit avoir les coudées franches; il doit savoir communiquer - avec les joueurs et avec les médias (à bas les cachoteries qui engendrent les supputations ridicules que sont les blessures « au haut du corps », « au-dessus du corps » ou « au corps »); il doit s'autoriser à négocier les contrats de ses joueurs PENDANT LA SAISON. C'est ce que Peter Chiarelli vient de faire à Boston : en octroyant un contrat lucratif à Tim Thomas, il enlève à son gardien le tracas de se demander s'il jouera l'année prochaine et lui permet de se concentrer sur les séries. Le prochain DG doit aussi mettre l'accent sur le dépistage en sol québécois - Dieu nous protège des prochains Éric Chouinard de ce monde (autre fruit du copinage) qui obstruent l'accès aux Simon Gagné que nous ravissent les autres équipes. Enfin, le prochain DG doit tout mettre en oeuvre pour être actif sur le marché des joueurs autonomes.

Si j'étais méchant, je dirais aussi que le prochain DG, s'il perd le feu sacré parce que sa fille est portée disparue en mer, devra se montrer assez honnête pour laisser sa place à quelqu'un qui a toute la tête au hockey.

Parce qu'au cours des derniers mois, Bob Gainey a joué les kamikazes : lui-même perdu dans les dédales du CHentenaire et, qui sait, peut-être sous la paperasse du palais de Justice, il semble avoir décidé de foncer droit dans le mur. La différence entre Gainey et les idiots qui se font sauter au Moyen-Orient, c'est que ces derniers sont conscients, au moins, qu'ils ne sont pas seuls dans l'autobus qu'ils vont faire exploser.

SL

2 commentaires:

dworth a dit…

Wow, tu vas fort quand même.

Une belle amertume passionnée.

Steve Laflamme a dit…

Bonjour Doug!

Je viens de regarder le Canadien se faire (se laisser ?) dévorer par Boston, et je maintiens mon amertume... Les joueurs du CH manquent de caractère, se laissent brutaliser par les Bruins sans riposter - et cela a malheureusement à voir avec la philosophie de Gainey (et de Carbonneau avant lui) : ils détesent les durs à cuire et ne croient pas à l'importance de la robustesse et, surtout, du facteur intimidation.

Tant pis pour eux (et pour nous les fans) : le Canadien se fera éliminer très rapidement, d'ici une semaine les joueurs seront en vacances.

... et j'espère que Gainey sera assez honnête pour reconnaître qu'il a mal évalué son équipe.

SL