Quand mon adorable C. me parlait de la portion de Québec qui est intra muros, j'ignorais de quelle section elle parlait jusqu'à ce qu'elle m'explique que l'expression désigne la partie du Vieux-Québec qui se trouve à l'intérieur des remparts. Québec, ville emmurée, ville qui se protège de l'envahisseur...
Le problème, lorsqu'on est minoritaire, c'est qu'on semble développer une paranoïa qui fait voir l'Autre comme un ennemi. Immanquablement. Et quand on est associé à une cause comme la souveraineté en plus, j'imagine qu'il faut profiter de toutes les occasions pour tirer à boulets rouges (ou bleus?) sur cet Autre. Question de ne pas se faire oublier. Question de montrer qu'on est là, de l'autre côté de la clôture (ou des remparts), sautillant pour qu'on s'aperçoive qu'on existe encore.
Je n'accepte toujours pas les conneries qu'ont proférées les Luc Archambault, Pierre Curzi, Pierre Falardeau et autres souverainistes paranoïaques qui ont vu dans la venue de Paul McCartney à Québec une conspiration du fédéral, ou une invasion anglaise, ou une reprise de la prise de possession des Plaines par un commandant anglais, ou un épisode de Nic et Pic en ballon, ou je ne sais quoi encore. Et je me réjouis que Pauline Marois ait eu l'intelligence de faire la part des choses et de se dissocier des affirmations frauduleuses, ridicules, gênantes et insultantes de ces Chevaliers de l'Apocalypse qui prédisaient l'extinction de la race - vous êtes sans doute convaincus comme moi que les 260 000 heureux visiteurs qui sont allés voir McCartney dimanche dernier sont repartis convertis à la langue anglaise et ne parlent plus un mot de français, non? -, et qui voyaient dans la venue de l'ex-Beatle - telle Jojo Savard dans sa fausse boule de cristal, jadis - l'annonce de la dépravation du peuple québécois.
Être Québécois, aux yeux des cosignataires de la lettre d'Archambault à McCartney, c'est sans doute fêter en famille, laisser la porte verrouillée pour ne pas qu'entrent « les étranges ». Sans doute aurait-il fallu, pour célébrer une partie du 400e de Québec, inviter un grand Français comme Johnny Hallyday, peut-être (pour 4 millions de dollars, il aurait probablement accepté qu'on change son nom pour Ti-Jean Jour d'allée ou encore Jeannot Vacances). Oui, j'aurais accepté de payer pour aller le voir essayer de se dépêtrer pour expliquer pourquoi celui qui était son roi, en 1759, préférait organiser des partys fastueux à la cour de Versailles plutôt que d'envoyer des hommes en Nouvelle-France pour aider les nôtres contre les Anglais sur les Plaines.
Peut-être aussi que les plus intelligents auraient su que Johnny/Ti-Jean n'avait rien à voir là-dedans, puisque les événements sont survenus il y a 259 ans, et qu'il n'aurait pu porter le blâme pour la négligence de Louis XV. Comme McCartney, un chantre de la paix ainsi que de l'amour bébête et naïf des années 1960, n'a rien à voir avec les tortionnaires anglais d'il y a trois siècles.
Peut-être encore aurait-il fallu fêter en famille, en sauvages, comme l'auraient voulu les souverainistes enragés, en n'invitant que des Québécois. Et de souche, s'il vous plaît : Stefie Shock, Richard Desjardins, Isabelle Boulay, Loco Locass... la même gang, bref, qu'à la Saint-Jean-Baptiste.
Justement. En quoi la fête du 400e aurait-elle eu quoi que ce soit de différent que la fête annuelle de la Saint-Jean, le même sacro-saint concert qui a lieu année après année sur les Plaines, avec les mêmes faces, les mêmes chansons et le même discours?
L'idée derrière le 400e, c'était de s'organiser pour que les yeux de la planète soient tournés vers la ville de Québec. Et Daniel Gélinas et son équipe ont mauditement bien réussi leur coup : il y a du McCartney à Québec mur à mur sur Youtube; tous les journaux en parlent encore, une semaine plus tard; une copine du Tennessee est en promenade au Québec depuis près d'un mois et me disait qu'on parlait de la venue de Sir Paul à Québec, chez nos voisins du sud. Pour une fois, Québec est plus grande que nature; pour une fois, on s'est amené ici de partout dans le monde pour participer à un événement unique. Pour une fois, on fait des jaloux.
Désolé, mais ce ne sont pas Stefie Shock ni même Richard Desjardins qui auraient attiré 260 000 convives sur les Plaines dimanche dernier. Parce que les Québécois auraient eu l'impression d'être invités à un spectacle comme ils peuvent en voir à l'année à Québec, à Montréal et partout ailleurs au Québec. Et personne du Salvador, du Canada anglais, des États-Unis ni d'Europe ne se serait pointé le bout du nez.
Oh, mais j'y suis : c'est bien ce que voulaient nos souverainistes enragés, non? Un petit party privé, juste en famille. Au pire, on invite quelques Québécois récemment immigrés ainsi que Bouchard et Taylor pour leur montrer qu'on est de bonne foi, et l'affaire est dans le sac.
On se scandalise de la venue d'un Britannique en terre francophone en en faisant un événement politique. On focalise sur ce spectacle comme si c'était le seul que la Société du 400e ait eu à offrir, sans parler du concert de Céline Dion (encore Québécoise, à ce que je sache) ni du spectacle du Cirque du Soleil (mené par un Québécois, que je sache); sans évoquer le Moulin à images de Lepage, qui fait fureur depuis plus d'un mois dans le Vieux-Port; sans évoquer le spectacle du 3 juillet qui a vu les grands de la francophonie se réunir au cours d'un même concert.
L'invasion britannique, c'est celle des années 1960 qu'ont voulu revoir les 260 000 spectateurs de dimanche dernier. Celle qui a vu les Beatles, les Rolling Stones, The Who, puis Led Zeppelin, entre autres, envahir le marché nord-américain et montrer ce que la Grande-Bretagne avait à offrir au monde en matière de musique rock. Une musique qui a bercé toute la génération des baby-boomers. C'est ça, précisément, que les Québécois qui se sont laissé guider sur les Plaines dimanche ont voulu revoir. Ils ont voulu voir une icône de la musique internationale, « un des grands compositeurs du XXe siècle », si je puis paraphraser un de mes collègues (lui-même ardent souverainiste, tiens-tiens), qui affirmait aller voir McCartney comme il serait aller voir Igor Stravinsky.
Au lieu de nous flageller à grands coups de ceinture fléchée, si je puis paraphraser un autre collègue qui est allé voir McCartney sur les Plaines (et qui est lui aussi souverainiste, tiens-tiens...), félicitons-nous d'être parvenus à attirer les regards du monde entier sur notre ville dimanche dernier, comme Montréal l'a fait en 1967 avec son Expo universelle. Rester prostrés à l'intérieur des remparts, c'est se couper de ce qui est là, de l'autre côté des murs, pour nous alimenter. Pour nous faire voir autre chose que nos mêmes faces et que notre nombril.
***
Le problème, lorsqu'on est minoritaire, c'est qu'on semble développer une paranoïa qui fait voir l'Autre comme un ennemi. Immanquablement. Et quand on est associé à une cause comme la souveraineté en plus, j'imagine qu'il faut profiter de toutes les occasions pour tirer à boulets rouges (ou bleus?) sur cet Autre. Question de ne pas se faire oublier. Question de montrer qu'on est là, de l'autre côté de la clôture (ou des remparts), sautillant pour qu'on s'aperçoive qu'on existe encore.
Je n'accepte toujours pas les conneries qu'ont proférées les Luc Archambault, Pierre Curzi, Pierre Falardeau et autres souverainistes paranoïaques qui ont vu dans la venue de Paul McCartney à Québec une conspiration du fédéral, ou une invasion anglaise, ou une reprise de la prise de possession des Plaines par un commandant anglais, ou un épisode de Nic et Pic en ballon, ou je ne sais quoi encore. Et je me réjouis que Pauline Marois ait eu l'intelligence de faire la part des choses et de se dissocier des affirmations frauduleuses, ridicules, gênantes et insultantes de ces Chevaliers de l'Apocalypse qui prédisaient l'extinction de la race - vous êtes sans doute convaincus comme moi que les 260 000 heureux visiteurs qui sont allés voir McCartney dimanche dernier sont repartis convertis à la langue anglaise et ne parlent plus un mot de français, non? -, et qui voyaient dans la venue de l'ex-Beatle - telle Jojo Savard dans sa fausse boule de cristal, jadis - l'annonce de la dépravation du peuple québécois.
Être Québécois, aux yeux des cosignataires de la lettre d'Archambault à McCartney, c'est sans doute fêter en famille, laisser la porte verrouillée pour ne pas qu'entrent « les étranges ». Sans doute aurait-il fallu, pour célébrer une partie du 400e de Québec, inviter un grand Français comme Johnny Hallyday, peut-être (pour 4 millions de dollars, il aurait probablement accepté qu'on change son nom pour Ti-Jean Jour d'allée ou encore Jeannot Vacances). Oui, j'aurais accepté de payer pour aller le voir essayer de se dépêtrer pour expliquer pourquoi celui qui était son roi, en 1759, préférait organiser des partys fastueux à la cour de Versailles plutôt que d'envoyer des hommes en Nouvelle-France pour aider les nôtres contre les Anglais sur les Plaines.
Peut-être aussi que les plus intelligents auraient su que Johnny/Ti-Jean n'avait rien à voir là-dedans, puisque les événements sont survenus il y a 259 ans, et qu'il n'aurait pu porter le blâme pour la négligence de Louis XV. Comme McCartney, un chantre de la paix ainsi que de l'amour bébête et naïf des années 1960, n'a rien à voir avec les tortionnaires anglais d'il y a trois siècles.
Peut-être encore aurait-il fallu fêter en famille, en sauvages, comme l'auraient voulu les souverainistes enragés, en n'invitant que des Québécois. Et de souche, s'il vous plaît : Stefie Shock, Richard Desjardins, Isabelle Boulay, Loco Locass... la même gang, bref, qu'à la Saint-Jean-Baptiste.
Justement. En quoi la fête du 400e aurait-elle eu quoi que ce soit de différent que la fête annuelle de la Saint-Jean, le même sacro-saint concert qui a lieu année après année sur les Plaines, avec les mêmes faces, les mêmes chansons et le même discours?
L'idée derrière le 400e, c'était de s'organiser pour que les yeux de la planète soient tournés vers la ville de Québec. Et Daniel Gélinas et son équipe ont mauditement bien réussi leur coup : il y a du McCartney à Québec mur à mur sur Youtube; tous les journaux en parlent encore, une semaine plus tard; une copine du Tennessee est en promenade au Québec depuis près d'un mois et me disait qu'on parlait de la venue de Sir Paul à Québec, chez nos voisins du sud. Pour une fois, Québec est plus grande que nature; pour une fois, on s'est amené ici de partout dans le monde pour participer à un événement unique. Pour une fois, on fait des jaloux.
Désolé, mais ce ne sont pas Stefie Shock ni même Richard Desjardins qui auraient attiré 260 000 convives sur les Plaines dimanche dernier. Parce que les Québécois auraient eu l'impression d'être invités à un spectacle comme ils peuvent en voir à l'année à Québec, à Montréal et partout ailleurs au Québec. Et personne du Salvador, du Canada anglais, des États-Unis ni d'Europe ne se serait pointé le bout du nez.
Oh, mais j'y suis : c'est bien ce que voulaient nos souverainistes enragés, non? Un petit party privé, juste en famille. Au pire, on invite quelques Québécois récemment immigrés ainsi que Bouchard et Taylor pour leur montrer qu'on est de bonne foi, et l'affaire est dans le sac.
On se scandalise de la venue d'un Britannique en terre francophone en en faisant un événement politique. On focalise sur ce spectacle comme si c'était le seul que la Société du 400e ait eu à offrir, sans parler du concert de Céline Dion (encore Québécoise, à ce que je sache) ni du spectacle du Cirque du Soleil (mené par un Québécois, que je sache); sans évoquer le Moulin à images de Lepage, qui fait fureur depuis plus d'un mois dans le Vieux-Port; sans évoquer le spectacle du 3 juillet qui a vu les grands de la francophonie se réunir au cours d'un même concert.
L'invasion britannique, c'est celle des années 1960 qu'ont voulu revoir les 260 000 spectateurs de dimanche dernier. Celle qui a vu les Beatles, les Rolling Stones, The Who, puis Led Zeppelin, entre autres, envahir le marché nord-américain et montrer ce que la Grande-Bretagne avait à offrir au monde en matière de musique rock. Une musique qui a bercé toute la génération des baby-boomers. C'est ça, précisément, que les Québécois qui se sont laissé guider sur les Plaines dimanche ont voulu revoir. Ils ont voulu voir une icône de la musique internationale, « un des grands compositeurs du XXe siècle », si je puis paraphraser un de mes collègues (lui-même ardent souverainiste, tiens-tiens), qui affirmait aller voir McCartney comme il serait aller voir Igor Stravinsky.
Au lieu de nous flageller à grands coups de ceinture fléchée, si je puis paraphraser un autre collègue qui est allé voir McCartney sur les Plaines (et qui est lui aussi souverainiste, tiens-tiens...), félicitons-nous d'être parvenus à attirer les regards du monde entier sur notre ville dimanche dernier, comme Montréal l'a fait en 1967 avec son Expo universelle. Rester prostrés à l'intérieur des remparts, c'est se couper de ce qui est là, de l'autre côté des murs, pour nous alimenter. Pour nous faire voir autre chose que nos mêmes faces et que notre nombril.
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SLJ'aime beaucoup quand mon adorable C. m'entraîne pour une promenade intra muros dans le Vieux-Québec. Mais au bout d'un moment, j'étouffe et je veux voir ce qu'il y a au-delà.
2 commentaires:
Très, très bon article Steve, absolument rien à rajouter. Comme c'est malheureux de voir quelques personnes comme ceux-ci (écrivains et signataires de la lettre) essayer d'attirer l'attention et de blamer un artiste, une légende tel que Paul McCartney.
Oui Québec a enfin la chance d'accueillir un artiste tel que lui, comme Québec a pu accueillir Metallica il y a cela quelques années sans compter les nombreux groupes, artistes qui ont répondu à l'appel au cours du festival d'été afin de souligner avec nous ,québecois, notre 400ème.
Mais bon quelques séparatistes un peu trop maniaques réussiront toujours à attirer l'attention et malheureusement donner une mauvaise image des québecois à travers le Canada. Je suis, depuis la fin du Cégep, à Calgary, et j'y suis jusqu`à la fin août, et tu ne peux savoir combien on m'a dit que j'étais un séparatiste, simplement parce que je me promenais avec un bandana du Québec. J'ai rencontré beaucoup de monde, provenant de la Nouvelle-Écosse où de Vancouver, j'ai entendu malheureusement beaucoup de fois que tous les québécois étaient séparatistes et qu'on ne voulait rien savoir du Canada, de l'anglais, etc.
Malheureusement sa donne une mauvaise impression du francais, beaucoup de jeunes, ici à Calgary, suivent l'école en français (immersion française), les parents de ces jeunes sont très fiers de dire que leurs enfants parlent deux langues, mais les enfants ne parlent jamais français, sauf en classe, même s'ils rencontrent un québécois qui a parfois quelques difficultés, surtout à son arrivée, à exprimer parfaitement sa pensée.
Mais bon, peut-être qu'un jour les hommes comprendront le sens de ce proverbe assez cliché :
" L'union fait la force"
Sur ce, très bon article Steve, bien plaisant à lire. Merci
Moi, ce qui m'horripile le plus dans cette histoire en particulier (et dans bien d'autres en général), c'est que ces réactions épidermiques injustifiées viennent saper la crédibilité de la cause souverainiste. Si les souverainistes qui prennent le micro ou la plume ne font pas preuve de plus de jugeotte dans leurs choix de combat, eh bien les fédéralistes et les nationalistes "mous" ou indécis auront bien des munitions pour dire que les souverainistes bleu foncé vont à la chasse aux sorcières pour des riens.
Cela m'enrage -- carrément -- de les voir brandir pour un rien notre drapeau... et ils me volent, oui, chaque fois, un peu de ma fierté d'être québécoise.
Il faudrait bien qu'on leur dise de choisir leurs combats et de ne pas prendre le parti bête de s'hérisser les poils pour rien dès qu'ils voient un peu de rouge dans le décor... et qu'ils réfléchissent, merde, avant d'écrire n'importe quelle connerie qui nous fait paraître idiots.
Non, je ne me reconnais pas dans ces tireurs fous, et j'en appelle à l'intelligence et à la mise en perspective. Mais en sont-ils seulement capables ?
Que souhaitent-ils le plus ? Construire un réel argumentaire pour soutenir la Cause... ou se péter de plus en plus fort les bretelles chaque fois qu'ils voient leur petit nom sur un page de journal... pour se prouver qu'ils existent ?
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